Les entretiens Be.Shine
Une forte culture est toujours alignée avec ses dirigeants
Particulièrement impliqué dans le développement de la culture du Centre patronal, Luc Oesch partage son expérience, ses convictions et son engagement en faveur du rôle central et fédérateur que joue la culture dans son organisation. Il livre également ses conseils aux chefs d’entreprise.
Le Centre patronal emploie plus de 400 collaborateurs actifs dans des métiers et des services particulièrement diversifiés. Le développement de la culture d’entreprise est d’autant plus important pour créer un sentiment d’appartenance au sein de l’organisation.
“L’affirmation de Simon Sinek « strong culture build a strong organization » reflète parfaitement mon point de vue sur la place et l’importance que je donne à la culture d’entreprise”
Luc Oesch
# Quelle place donnez-vous à la culture d’entreprise au sein du Centre patronal?
La culture d’entreprise est un sujet central pour le Centre patronal (CP). Et d’emblée, je me réfère à Simon Sinek que j’apprécie particulièrement et qui dit « strong culture build a strong organization”. Cette affirmation reflète parfaitement mon point de vue sur la place et l’importance que je donne à la culture d’entreprise.
Pour implanter la culture du CP, nous avons tout d’abord formulé les valeurs, la mission et la vision au sein du comité de direction dans le but d’être, ensemble, alignés sur ces fondamentaux. Une fois formalisés, ces éléments ont été communiqués à l’ensemble des collaborateurs qui, par département et service, ont réalisé à leur tour le même exercice. Christophe Reymond, directeur général du CP, s’est aussi exprimé à ce sujet dans une courte capsule vidéo pour inviter les collaborateurs à réaliser cet exercice avec du plaisir !
Grâce à plusieurs ateliers, les collaborateurs ont pu définir les valeurs et la mission qui correspondent à leur activité et qui fait sens pour eux. Notre volonté a été de les impliquer pour qu’ils contribuent à la définition de la culture du CP. Ce processus a duré plus de deux ans et a nécessité un fort engagement de la part du comité de direction, des RH et des collaborateurs.
Aujourd’hui, les grands principes de notre culture sont posés au niveau du comité de direction et des collaborateurs. Mais la culture ne peut pas être figée et implique de remettre sans cesse le métier sur l’ouvrage.
“Je suis convaincu que la culture s’ancre par l’exemple”
Luc Oesch, membre de la direction, Centre patronal
# Que faites-vous concrètement pour ancrer cette culture auprès des collaborateurs ?
C’est un travail quotidien. Lors des séances avec le comité de direction et avec les collaborateurs, j’essaie de me référer le plus souvent possible aux valeurs, à la vision, à la mission et aux objectifs 2022-2025 du Centre patronal. Ces éléments sont ma ligne directrice, ma boussole en quelque sorte.
Pour véhiculer concrètement la culture, je pense qu’il est aussi très important de savoir reconnaître ses erreurs en tant que dirigeant. Je l’ai expérimenté à plusieurs reprises et j’ai pu voir comment les équipes développent l’ouverture et la confiance lorsqu’un membre de la direction accepte qu’il ne sait pas tout et qu’il peut se tromper, comme tout le monde. Je suis convaincu que la culture s’ancre par l’exemple. En tant que dirigeant, j’ai aussi le devoir de montrer l’exemple en respectant les valeurs du Centre patronal
“L’adhésion aux valeurs se construit grâce à une communication ouverte, une forte implication et une responsabilisation des équipes. L’ensemble encouragé par l’exemple des dirigeants.”
Luc Oesch, membre de la direction, Centre patronal
# Comment faites-vous pour que les employés adhèrent aux valeurs de votre organisation ?
Pour encourager l’adhésion à nos valeurs de qualité, engagement et responsabilité, la communication est centrale, comme la responsabilisation et l’implication des collaborateurs pour vivre ces valeurs.
A chaque niveau il est important que les équipes puissent avoir leur autonomie et leur pouvoir de décision.
Ancrer nos valeurs est un exercice quotidien pour développer un état d’esprit qui véhicule nos trois valeurs principales. Et il faut rester conscient que toute transformation culturelle implique du temps et qu’il y a toujours des réfractaires au changement.
Une telle transformation doit aussi être portée par les RH qui jouent un rôle particulièrement important dans, notamment, le recrutement de candidats. Ceux-ci doivent se sentir en phase avec nos valeurs et notre mission. Ces éléments sont évalués lors des entretiens.
Je suis également persuadé que la formation est un élément clé pour ancrer nos valeurs. Par exemple, la qualité, l’une de nos trois valeurs, ne peut pas être promue si nos collaborateurs ne sont pas suffisamment bien formés. Dans ce sens, nous avons mis en place des cycles de formation obligatoire pour tous les employés du secteur de la Prévoyance. Et les retours sont plutôt positifs.
Nous avons aussi réalisé un test pilote au sein du département IT pour renforcer la façon de travailler en mode agile et en mode projet. L’équipe s’est rapidement impliquée et responsabilisée dans de nouveaux processus avec un état d’esprit aligné sur nos valeurs. C’est motivant pour tout le monde.
Je dirais donc que l’adhésion aux valeurs se construit grâce à une communication ouverte, une forte implication et une responsabilisation des équipes, l’ensemble encouragé par l’exemple des dirigeants.
# Jusqu’où vos valeurs d’entreprise guident vos prises de décision, vos processus, votre politique de recrutement et les comportements de vos employés ?
Idéalement, il faudrait que toutes nos décisions soient guidées par nos valeurs. Raison pour laquelle je les ai affichées dans mon bureau pour me rappeler ce principe auquel j’adhère entièrement. J’ajouterais que, à la longue, ce processus devrait naturellement se refléter dans les comportements et les prises de décision.
Des décisions guidées par nos valeurs impliquent aussi d’avoir le courage d’assumer les situations difficiles. Par exemple, d’assurer une prestation en mode dégradé, et de prendre la responsabilité et les décisions nécessaires pour garder une relation de qualité avec nos clients. Ce que nous avons vécu et fait durant la période Covid.
“La connaissance de soi est à mon avis un facteur clé. Le dirigeant doit être capable de se poser des questions « comment je fonctionne, quel est mon impact sur les autres? »”
Luc Oesch, membre de la direction, centre patronal
# Quel est le rôle du dirigeant dans la définition d’une culture d’entreprise ?
Le dirigeant a un rôle essentiel à jouer dans la définition d’une culture d’entreprise pour faire monter tout le monde à bord.
La connaissance de soi est à mon avis un facteur clé. Le dirigeant doit être capable de se poser des questions : « Comment je fonctionne ? Quel est mon impact sur les autres ? ». Et aussi « Pourquoi et comment ce que je fais est important ? »
Comment je fais les choses est essentiel. La manière, l’esprit avec lequel on fait ce qu’on fait, c’est ce qui fait vraiment la différence.
Le dirigeant doit croire dans les valeurs de l’entreprise, les véhiculer au travers de ses comportements et actions, et vivre cette culture naturellement.
Le dirigeant doit aussi porter la culture avec des équipes de direction alignées sur les valeurs, la mission la vision et la stratégie. Il s’agit d’un vrai défi, qui concerne vraisemblablement une grande partie des entreprises. D’après les résultats d’une étude de Donald Sull, Stefano Turconi, Charles Sull et James Yoder « Turning Strategy Into Results », récemment présentée par l’ancien Président de l’IMD, Jean-François Manzoni, « 60% des équipes de direction ont moins de 50% de leurs membres qui peuvent identifier le 3/5e des priorités stratégiques. » Et seulement « 2% des comités de direction sont 90 à 100% alignés ».
Cet aspect mérite réflexion car l’adhésion des collaborateurs à la culture d’une entreprise implique aussi un véritable alignement de l’équipe dirigeante.
“Une forte culture crée un sentiment d’appartenance, un cadre de référence, et une meilleure agilité dans les périodes d’incertitudes.”
Luc Oesch, membre de la direction, Centre patronal
# A votre avis, est-ce qu’une forte culture d’entreprise améliore la performance d’une organisation ?
Oui, sans hésiter. Toute organisation doit viser une certaine rentabilité et une culture forte stimule l’innovation. Un élément lié à la performance.
Une forte culture permet aussi de fidéliser les collaborateurs, le plus important actif d’une entreprise. Le coût du turnover est souvent sous-estimé dans les organisations.
Pour stimuler l’innovation au sein du CP, nous avons permis à tout le monde de venir « pitcher » une idée d’innovation (de l’apprenti au CEO) sur des projets particulièrement liés au digital. Les personnes intéressées viennent « pitcher » 10 minutes devant un comité de sélection de projets composé de tous les métiers de notre organisation. 10 minutes de « pitch », suivies de 5 minutes de Q&R puis de 5 minutes de délibération. Cette idée met tout le monde sur un pied d’égalité et remporte un certain succès avec 1 à 3 présentations tous les deux mois.
# Pensez-vous qu’une forte culture d’entreprise permet de naviguer plus facilement dans les périodes d’incertitudes ?
La culture d’entreprise est une boussole. Elle aide à guider les décisions et les actions. Dans la difficulté, on a besoin d’un cadre de référence et d’un véritable sentiment d’appartenance. Une forte culture offre ces avantages ainsi qu’une meilleure agilité et une meilleure attractivité de l’entreprise. Et dans les périodes d’incertitude, il faut être particulièrement agile.
Je suis persuadé qu’une forte culture offre une meilleure capacité de résilience à l’organisation en cas de difficulté.
# Pour vous, que signifie être une organisation inspirée par les valeurs ?
Pour moi, une organisation inspirée par les valeurs, c’est la capacité à ancrer ses propres valeurs et celles de l’organisation au cœur de chaque décision.
Les valeurs devraient guider tous nos comportements, depuis l’apprenti.e jusqu’au directeur général, et du directeur général à l’apprenti.e. C’est aussi s’efforcer d’être dans un état d’esprit qui nous inspire et qui inspire les autres et de donner du sens à ce que l’on fait au quotidien.
# Si je vous dis qu’une organisation se différencie non pas par ce qu’elle fait, mais par qui elle est et comment elle fait ce qu’elle fait, qu’en pensez-vous ?
Absolument. On doit avoir une histoire à raconter. Les sociétés à forte culture ont toujours une belle histoire à raconter. Apple et IKEA sont de bons exemples, mais des PME comme le fabricant de matelas Elite également.
Christine Visinand Aubert
Spécialiste en communication et transformation culturelle d’entreprise